La lanoline, cet actif naturel aux multiples bienfaits

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La lanoline est une substance unique utilisée depuis l’Antiquité comme puissant émollient pour apaiser, protéger et guérir la peau. D’abord utilisée comme imperméabilisant dans les tentes des guerriers grecs, son usage médical a ensuite été décrit dans De Materia Medica par le Docteur Grec Dioscoride sous le nom « Oesypus ». Le nom de lanoline à proprement parler est apparu dans un brevet allemand d’Otto Braun en 1882. Elle est depuis lors continuellement décrite pour son utilisation en médecine dans des produits pharmaceutiques (pour applications topiques), de soins personnels/cosmétiques et de produits de toilette.

La lanoline : qu’est-ce que c’est ?

La lanoline est une graisse naturelle, hautement raffinée et purifiée, qui a pour origine une substance unique sécrétée par les glandes sébacées des moutons. Cette substance ou « suint » recouvre la peau du mouton d’un film protecteur naturel et se retrouve imprégnée dans les fibres de laine. Aujourd’hui, la lanoline est souvent appelée graisse de laine (Adeps Lanae) par de nombreuses pharmacopées, et pourtant elle ne contient pas de glycérides et se définit ainsi comme une cire et non comme une graisse d’un point de vue chimique. Les propriétés de la lanoline sont nombreuses et variées et elle est aujourd’hui largement reconnue pour ses propriétés émollientes, émulsifiantes et hydratantes. La lanoline a toutefois fait l’objet de controverses notamment en raison de son origine animale mais aussi pour une suspicion de potentiel allergisant.

La lanoline : un actif bien toléré

Cette suspicion de potentiel allergisant peut être levée aujourd’hui et ce pour plusieurs raisons. En effet, les consommateurs ont été exposés depuis des décennies maintenant à la lanoline, soit lors de l’utilisation de produits cosmétiques à base de lanoline (savons, shampoings, rouges à lèvres, crèmes à raser et hydratants), de médicaments à usage topique, d’applications industrielles (revêtements) ou lors du port de vêtement en laine contenant des traces de lanoline restée accrochée aux fibres après son traitement. On la retrouve dans des produits ménagers (cirages, détergents…) et des lanolines techniques sont utilisées dans diverses industries (traitement du cuir). Le recul est donc important et il est probable que pratiquement toute personne allergique à la lanoline en aurait pris conscience.

Des cas d’allergies à la lanoline ont toutefois été signalés au début des années 1920 et 1930, et ce phénomène a pris de l’ampleur dans les années 1950, lorsque quelques études analysant la prévalence de la sensibilité à la lanoline chez des patients ont été publiées (1). Plusieurs études ont ensuite été menées et beaucoup d’entre elles ont été effectuées sur des personnes souffrant de dermatite ou d’allergies connues aux produits cosmétiques en général. En revanche, les études menées sur la population générale indiquent une incidence relativement faible des allergies à la lanoline. L’étude de Clark, par exemple, réalisée en 1975 a estimé une incidence annuelle d’allergie à la lanoline dans la population générale à un modeste 8,75 cas par million (sur la base de 825 000 patients dans les zones de chalandise de trois hôpitaux au Royaume-Uni et en Suède). En 1998, Kligman a déclaré avoir testé 943 femmes sans antécédent de problème de peau et n’a trouvé aucune réaction positive au test de patch à la lanoline (2).

Ainsi, pour des personnes n’ayant pas de problème de peau particuliers, la lanoline et ses dérivés ne semblent pas plus allergisants que n’importe quel autre ingrédient cosmétique.

Les impuretés : des allergènes identifiés

Les chercheurs ont focalisé leur recherche sur les composés de la lanoline pouvant être responsables des réactions allergiques. Les études publiées jusqu’à présent ont mis en évidence deux impuretés dans la lanoline : les alcools de laine et les détergents. Ces derniers sont mélangés ou générés lors de l’extraction de la lanoline. Une étude réalisée en 1981 par Clark et ses collègues a pu montrer que la réduction de la teneur en alcool gras libre et en détergent de la lanoline réduisait également son potentiel de sensibilisation.

Cela signifie que la lanoline purifiée présente un faible risque allergène. Depuis les années 90, le procédé de purification a été considérablement amélioré.

Maintenant, il est possible, grâce à l’extraction avec des solvants et grâce à une purification, d’éliminer la quasi-totalité des détergents et pesticides et de réduire l’alcool gras libre à une concentration inférieure à 3%, concentration à partir de laquelle une allergie pourrait se déclencher.

Aujourd’hui, la tendance en cosmétique étant de formuler avec des ingrédients plus naturels (si possible), durables, sans cruauté envers les animaux et la tendance du « less is more » encouragent les laboratoires à utiliser moins d’ingrédients dans les formulations ce qui souligne ainsi l’intérêt d’utiliser des ingrédients qui possèdent plusieurs propriétés tels que la lanoline.

Un produit naturel et durable

La lanoline est un produit durable, renouvelable et d’origine naturelle. Elle est récupérée à partir de la laine de mouton. En aucun cas, la lanoline n’implique de sacrifier le mouton. Elle nécessite uniquement que le mouton soit tondu, et ce processus est indispensable au bien-être du mouton.  La lanoline créée ainsi une économie circulaire en prenant un déchet biosourcé, la laine, d’une source naturelle en lui donnant une seconde vie comme ingrédient durable permettant de diminuer les déchets de l’industrie de la laine (récupération de la graisse de laine extraite du lavage de la laine).

Récoltée à partir d’une espèce spécifique de moutons plus particulièrement élevés pour la laine de l’hémisphère sud, la lanoline est à l’abri du prion et d’autres maladies spécifiques de l’hémisphère nord.

Il est par ailleurs intéressant de considérer que les référentiels bio comme ECOCERT® en France n’autorisent que deux matières premières d’origine animale : la cire d’abeille et la lanoline.

Un actif aux multiples propriétés

Revenons à l’intérêt d’utiliser la lanoline. Il s’agit d’un émulsifiant et d’un stabilisateur d’émulsion. De nombreuses entreprises utilisent aujourd’hui la lanoline comme excipient pour ses propriétés émulsifiantes grâce à sa capacité d’absorption d’une grande teneur en eau qui peut capturer entre 200 et 400% de son poids selon son degré de pureté (3). La propriété hydratante de la lanoline et sa capacité à réduire la perte en eau transépidermique (TEWL) sont également bien connues.

L’incorporation de la lanoline dans une formule permet de stabiliser une émulsion, d’apporter un agent hydratant et elle permet également de favoriser la régénération des kératinocytes, d’améliorer la barrière cutanée, de réduire l’inflammation cutanée, et d’aider la peau à lutter contre des infections bactériologiques pathogènes.

En effet, pour comprendre l’origine de ses propriétés, il faut regarder la composition de la lanoline. Celle-ci se caractérise par une teneur élevée en stérols et surtout en cholestérol, qui lui confère ainsi un rôle de puissant agent rénovateur de la barrière cutanée */.

La lanoline contient également des agents antibactériens et aide ainsi la peau à lutter contre la prolifération des espèces bactériennes pathogènes et assurer le maintien des bactéries commensales indispensables à l’équilibre de notre microbiote, concept et tendance très en vogue en cosmétique.

Les bienfaits des dérivés de la lanoline

Il est également important de noter qu’il existe des dérivés de lanoline. Parmi eux, on retrouve l’alcool de lanoline qui est le plus largement utilisé en raison de ses propriétés. Il s’agit d’une substance cireuse, dure, jaune pâle et quasiment inodore résultant du fractionnement de la lanoline. Il s’agit en effet de la fraction insaponifiable de la lanoline (mélange complexe de cholestérol, lanostérol, stérols et alcools aliphatiques). Cette composition lui confère de ce fait un très haut pouvoir absorbant et il est ainsi considéré comme le plus efficace des agents émulsifiants eau/huile, permettant une large variété d’applications dans les domaines pharmaceutique et cosmétique (crèmes de soin, crèmes hydratantes/émollientes, produits capillaires, crèmes pour bébés…). Sa haute teneur en cholestérol lui confère des propriétés particulières au niveau cutané et participe ainsi à la formation du ciment lipidique de la couche cornée permettant ainsi à la peau d’être isolée du milieu extérieur.

Conclusions :

En cette période où l’origine naturelle, la durabilité, l’économie circulaire, et l’utilisation d’ingrédients polyvalents sont les maîtres-mots des développements des nouveaux cosmétiques, ce serait une erreur d’ignorer la lanoline uniquement en raison de son origine animale, sauf dans le cas d’une revendication « vegan » pour le produit final. La lanoline ou ses dérivés représentent une solution très astucieuse en tant qu’actif émulsionnant et elle permet d’améliorer l’hydratation de la peau, de restaurer les lipides épidermiques, de stimuler les kératinocytes et d’équilibrer le microbiote.

Références :
1. (Sulzberger et al., Études d’hypersensibilité à la lanoline. J Invest Dermatol 1953, Baer et al., Études sur la sensibilisation allergique à certains agents thérapeutiques topiques. Arch Derm Syphlilol 1955)
2.(Kligman AM. Le mythe de l’allergie à la lanoline. Dermatite de contact 1998)
3. (The lanolin Book, 41, 1999)