Mélasma et masque de grossesse : attention confusion !

Nous avons tous, et surtout toutes, déjà entendu un jour l’un de nos proches, interpeller une femme enceinte s’exposant au soleil et lui dire : « Dis donc tu as bien mis de la crème solaire indice 50 pour éviter le masque de grossesse ? » Cette idée largement répandue du fameux masque de grossesse et des risques pour la peau de la femme enceinte traverse les générations sans prendre une ride. Mais qui sait vraiment à quoi il est dû, s’il s’agit vraiment d’une prise de risque si importante ou si cela concerne-t-il vraiment toutes les femmes enceintes ? 

Mais le « masque de grossesse » c’est quoi exactement ?

Le masque de grossesse se manifeste par une hyperpigmentation localisée sur le visage et plus particulièrement au niveau du front, des pommettes et de la zone au-dessus des lèvres. Communément appelé masque de grossesse pour l’effet visuel qu’il peut laisser, dans le langage médical, sa dénomination est « mélasma« . 

Avant toute chose, retenons que c’est une lésion bénigne de la peau.  L’inconfort de cette maladie réside donc principalement sur la visibilité des taches pigmentées même si c’est un peu plus compliqué que ça lorsque l’on s’intéresse aux effets « sous cutanés » et donc invisibles à l’œil nu. 

Car si d’un point de vue esthétique les taches pigmentaires peuvent être considérées inesthétiques par ceux ou celles qui les portent, il s’agit surtout de mieux comprendre comment apparaît le mélasma et ce qu’il faut faire pour mieux s’en protéger. La physiopathologie étudie les troubles fonctionnels d’un organisme et de ses réactions au cours d’une maladie et apporte des informations essentielles sur la cause du dysfonctionnement. 

Le mélasma est considéré depuis longtemps comme la principale conséquence d’une stimulation hormonale combinée à une prédisposition génétique, ce qui explique sa forte réputation lors de la grossesse. 

Cependant de nouvelles recherches ces dernières années, ont permis de mettre en évidence le rôle d’autres acteurs dans la formation de cette hyperpigmentation et des déséquilibres liés : 

  • stimulation de la pigmentation due à l’exposition aux UV et à la lumière visible haute énergie1,2
  • altération de la membrane basale3 : épaisseur cutanée entre le derme et l’épiderme
  • élastose 4 : altération du tissu élastique du derme 
  • augmentation de la vascularisation5

Mais ces déséquilibres sont-ils vraiment tous liés à la grossesse ? A priori non, c’est pour cela qu’il est intéressant de différencier le masque de grossesse du mélasma. Un terme scientifique est d’ailleurs réservé pour cela : chloasma

Et si vous avez encore un doute, sachez que le mélasma peut toucher jusqu’à 10% des hommes chez certaines populations6, vous comprendrez bien pourquoi il s’appelle à tort « masque de grossesse »… 

Sommes-nous tous égaux face à cette maladie ?

Parlons maintenant un peu chiffre et répartition de la maladie dans différentes populations. Une étude menée en France7 rapporte que sur un groupe de 60 femmes enceintes, seulement 5% auraient développé un chloasma ou masque de grossesse. Ces chiffres sont difficiles à analyser car, un des éléments entrant en jeu et dont nous n’avons pas encore parlé est le phototype cutané. 

En effet nous savons aujourd’hui que plus une peau est foncée (phototype élevé) plus le risque de développer un mélasma ou chloasma est élevé.  A titre de comparaison, la prévalence, c’est à dire le nombre de cas de chloasma, peut atteindre selon les populations 50 à 70%.  

On ne rappelle jamais assez que pour un mélasma ou chloasma ; le meilleur traitement est la prévention et que cela passe indéniablement par l’usage d’une protection solaire adaptée. Alors protection SPF50+ et lumière bleue et on remercie notre Tante Monique de nous y faire penser toutes les deux heures. 


1 Mahmoud BH, Ruvolo E, Hexsel CL et al. Impact of longwavelength UVA and visible light on melanocompetent skin. J Invest Dermatol 2010; 130: 2092– 2097.
2 Regazzetti C, Sormani L, Debayle D et al. Melanocytes sense blue light and regulate pigmentation through the Opsin3. J Invest Dermatol 2017; 138: 171– 178.
3 TorresAlvarez B, MesaGarza IG, CastanedoCazares JP et al. Histochemical and immunohistochemical study in melasma: evidence of damage in the basal membrane. Am J Dermatopathol 2011; 33: 291– 295.
4 Kang WH, Yoon KH, Lee ES et al. Melasma: histopathological characteristics in 56 Korean patients. Br J Dermatol 2002; 146: 228– 237.
5 Kim EH, Kim YC, Lee ES, Kang HY. The vascular characteristics of melasma. J Dermatol Sci 2007; 46: 111– 116.
6 Sarkar R, Ailawadi P, Garg S. Melasma in Men: A Review of Clinical, Etiological, and Management Issues. J Clin Aesthet Dermatol. 2018;11(2):5359.
7 Esteve E et al., Signes cutanés physiologiques au cours de la grossesse normale : étude de 60 femmes enceintes, Ann Dermatol Venereol 1994 ; 121 : 227-231